西尾治子 のブログ Blog Haruko Nishio:ジョルジュ・サンド George Sand

日本G・サンド研究会・仏文学/女性文学/ジェンダー研究
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Le vrai paysan /   Les villageois

2021年01月23日 | 覚え書き

  À ADOLPHE LEMOINE-MONTIGNY

    [Nohant, 25 août 1853 (?).]

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

J'avais essayé de mettre des paysans sur la scène, j'ai

voulu essayer d'y mettre des villageois.  Ce n'est pas la

même chose, bien que la distinction ne frappe pas au premier

abord.

    Les villageois ne sont qu'à moitié paysans, les paysans

ne sont pas du tout villageois.  Il n'y a de vraiment rustiques

que les groupes ou les familles, isolés dans les fermes, dans

les moulins, dans les chaumières.  Plus la vie se concentre

dans un milieu borné, plus l'idée me simplifie.  Le vrai

paysan est bien plus aux prises avec la nature qu'avec la

société.  Il a peu de pensées, mais elles sont tenaces, peu

de volontés, mais elles sont fortes.

    Les villageois sont plus instruits.  Ils ont des écoles, des

industries qui étendent leurs relations.  Ils ont des rapports

et des causeries journalières avec le curé, le magistrat local,

le médecin, le marchand, le militaire en retraite, que sais-je ?

tout un petit monde qui a vu un peu plus loin que l'horizon

natal.  Certains ouvriers, d'ailleurs, ont, avant comme

depuis la révolution, fait quelque tour de France qui est

un voyage d'instruction, non seulement dans le métier,

mais dans la vie.  Sans se piquer d'être puristes, les artisans

des villes et des villages s'expriment donc dans un langage

plus étendu et plus élevé, en apparence, que le journalier

ou le ménageot de campagne.  Ils ont aussi des sentiments,

je ne dirai pas plus nobles (le beau et le bien, comme

le laid et le mal se trouvent partout), mais plus analysés

en eux-mêmes, et dont ils peuvent mieux rendre compte.

    Le paysan aime surtout par instinct.  L'habitant des

grandes villes y porte plus d'imagination.  Celui des villages,

qui tient du citadin et du paysan, met de l'imagination

et de l'instinct dans ses affections.  Chez tous, le coeur

est en jeu.  Le coeur n'est pas encore si mort qu'on veut

bien le dire, et quels que soient les temps, ni les crises

politiques, ni les intérêts personnels, n'empêcheront jamais

l'amour et l'amitié de trouver en eux-mêmes une oasis au

milieu des tempêtes.

    L'amitié est un sentiment chevaleresque et jeune, qui se

développe plus particulièrement chez les hommes liés par

un esprit de corps et des travaux communs.  Les guerriers

d'autrefois, les artistes et les artisans d'aujourd'hui, les

séminaristes, les étudiants, les collégiens même, ont encore

un culte pour l'amitié.  Dans la solitude des champs, comme

dans le tumulte du monde, l'homme arrive à ne plus

compter que sur lui-même; mais dans l'ombre du cloître,

comme sous le soleil des chemins, dans les ateliers, dans

les chantiers, comme sur les bancs des écoles, tout jeune

Oreste a son Pylade.

    L'amour-propre joue un grand rôle dans la vie de l'artiste

et de l'artisan.  Le paysan a une passion plus positive,

le gain.  L'homme du monde sait mieux déguiser ses vanités.

Au village, elles sont naïves et passionnées.

    Avec ces éléments si simples et dont tout le monde a

pu constater la réalisé, j'ai pensé pouvoir faire une pièce

qui n'a la prétention d'être ni un drame, ni une comédie,

ni une formule d'enseignement nouveau.  Les meilleures

moralités sont celles qui arrivent toutes faites dans l'esprit

du spectateur, et dont il sent l'application dans une oeuvre

d'art, rendue avec la supériorité que vos admirables artistes

sauront y manifester.

    Pour la mise en scène, le soin des détails et la gouverne

de l'ensemble, vous êtes artiste supérieur vous-même, et,

l'amitié aidant, comme toujours, vous ferez de peu

quelque chose.

    Vous me demandez si, en annonçant au public de la

première représentation le nom de l'auteur, on doit toujours

m'appeler George Sand.  Oui, sans doute, puisque

c'est un pseudonyme devant lequel le public, qui n'est pas

forcé de savoir qu'on pourrait dire madame, pourrait, cependant,

me contester le droit de faire dire monsieur.

    George Sand.

    Nohant, 1853.

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