"PIERRE LEROUX, PENSEUR DE L'HUMANITE" Bruno Viard Sulliver, février 2009, 138 pages 14 €
http://www.boojum-mag.net/f/index.php?sp=liv&livre_id=1881 より ↓
Une exhumation salutaire
Bruno Viard, professeur de littérature française à l'Université de Provence, nous convie à une histoire d"amour, née de ses recherches sur le lien social, terrain passionnant et aussi glissant que la notion (oxymore ?) d’intelligence émotionnelle. Il est le fils de Jacques Viard, qui maintient le souvenir du philosophe depuis des décennies.
Il fait paraître chez Sulliver une étude, profondément humaine, à propos de Pierre Leroux. La quatrième de couverture sacrifie à la complaisance du temps présent, arguant que le XVIIIe siècle fut celui des philosophes et de mettre en regard une supposée indigence du siècle suivant. Il s’agit bien évidemment de mettre en exergue un Pierre Leroux d’autant plus oublié qu’il n’est pas imbécile.
Le philosophe crasseux…
L’auteur nous conte l’histoire de Pierre Leroux, Pierre l’érudit, le crasseux, le terne, joie des caricaturistes, ami de George Sand et de tant d’autres. Pour l’instant, son aspect autistique, ami d’une personne à l’âme aussi large que la cuisse, ou bien qui s’y réduit, n’a rien de bien motivant.
Explorons davantage le personnage tel que l’auteur, avec mesure (lui), nous y invite.
Né en 1797, Parisien de famille pauvre, il est la représentation même de la faillite des principes volontaristes de la Révolution, qu’un Empire sans âme entend matérialiser. Malgré sa bourse impériale, il trébuche à l’entrée de l’Ecole Polytechnique. Il devient donc ouvrier typographe. Pensant et ne cessant de l’être, il s’offre le luxe de voir les nuances de son temps en plein bouleversement.
Ecrasé par sa finesse ?
Sa pensée, formée de cette façon l’a condamné à un oubli plus que relatif. Il refuse l’aspect binaire de la perspective sociale. Il est tout autant hostile à un socialisme absolu qui détruit l’individu par une discipline réductrice et totalitaire, qu’à un libéralisme absolu qui angélise les capacités altruistes du même individu dont l’ego est la seule référence. Leroux invente néanmoins le mot « socialisme » en 1834.
Il a le courage de tester sa pensée dans une des fameuses communautés expérimentales de son siècle ; de celle qui provoque la commisération ou les bons sentiments des « bobos » contemporains. Certes, ce type de tentative a été paré du titre de socialisme utopique, c’est péjoratif ; une des astuces du socialisme « scientifique » ayant consisté tout simplement à écarter la plus grande partie du réel : l’incompréhensible devient irréel puisqu’il n’est pas explicable à cette mesure !
En 1848, il est à l’origine de notre devise, que bien peu de personnes sont à même de pratiquer. On bute toujours sur la contradiction de la liberté et de l’égalité, et, sur la fragilité de cette fraternité réconciliatrice que, faute d’immanence égarée, de belles personnes comme Pierre Leroux, mort en1871, messie dérisoire, ont échoué à rendre concrète.
Les chemins des honnêtes gens sont bien variés. Cet ouvrage, véritable stimulant, est réservé à ceux qui veulent encore penser par eux-mêmes. J’avoue avoir été aussi agacé que séduit par les circonvolutions de l’auteur et avoir produit un article un peu vif, du fait du personnage. À lire nom d’une pipe !
Didier Paineau
http://www.boojum-mag.net/f/index.php?sp=liv&livre_id=1881 より ↓
Une exhumation salutaire
Bruno Viard, professeur de littérature française à l'Université de Provence, nous convie à une histoire d"amour, née de ses recherches sur le lien social, terrain passionnant et aussi glissant que la notion (oxymore ?) d’intelligence émotionnelle. Il est le fils de Jacques Viard, qui maintient le souvenir du philosophe depuis des décennies.
Il fait paraître chez Sulliver une étude, profondément humaine, à propos de Pierre Leroux. La quatrième de couverture sacrifie à la complaisance du temps présent, arguant que le XVIIIe siècle fut celui des philosophes et de mettre en regard une supposée indigence du siècle suivant. Il s’agit bien évidemment de mettre en exergue un Pierre Leroux d’autant plus oublié qu’il n’est pas imbécile.
Le philosophe crasseux…
L’auteur nous conte l’histoire de Pierre Leroux, Pierre l’érudit, le crasseux, le terne, joie des caricaturistes, ami de George Sand et de tant d’autres. Pour l’instant, son aspect autistique, ami d’une personne à l’âme aussi large que la cuisse, ou bien qui s’y réduit, n’a rien de bien motivant.
Explorons davantage le personnage tel que l’auteur, avec mesure (lui), nous y invite.
Né en 1797, Parisien de famille pauvre, il est la représentation même de la faillite des principes volontaristes de la Révolution, qu’un Empire sans âme entend matérialiser. Malgré sa bourse impériale, il trébuche à l’entrée de l’Ecole Polytechnique. Il devient donc ouvrier typographe. Pensant et ne cessant de l’être, il s’offre le luxe de voir les nuances de son temps en plein bouleversement.
Ecrasé par sa finesse ?
Sa pensée, formée de cette façon l’a condamné à un oubli plus que relatif. Il refuse l’aspect binaire de la perspective sociale. Il est tout autant hostile à un socialisme absolu qui détruit l’individu par une discipline réductrice et totalitaire, qu’à un libéralisme absolu qui angélise les capacités altruistes du même individu dont l’ego est la seule référence. Leroux invente néanmoins le mot « socialisme » en 1834.
Il a le courage de tester sa pensée dans une des fameuses communautés expérimentales de son siècle ; de celle qui provoque la commisération ou les bons sentiments des « bobos » contemporains. Certes, ce type de tentative a été paré du titre de socialisme utopique, c’est péjoratif ; une des astuces du socialisme « scientifique » ayant consisté tout simplement à écarter la plus grande partie du réel : l’incompréhensible devient irréel puisqu’il n’est pas explicable à cette mesure !
En 1848, il est à l’origine de notre devise, que bien peu de personnes sont à même de pratiquer. On bute toujours sur la contradiction de la liberté et de l’égalité, et, sur la fragilité de cette fraternité réconciliatrice que, faute d’immanence égarée, de belles personnes comme Pierre Leroux, mort en1871, messie dérisoire, ont échoué à rendre concrète.
Les chemins des honnêtes gens sont bien variés. Cet ouvrage, véritable stimulant, est réservé à ceux qui veulent encore penser par eux-mêmes. J’avoue avoir été aussi agacé que séduit par les circonvolutions de l’auteur et avoir produit un article un peu vif, du fait du personnage. À lire nom d’une pipe !
Didier Paineau