Geoffroy, c'est un copain qui a un papa tres riche qui lui achete tout le temps des choses, est arrive a l'ecole ce matin avec un gros paquet sous le bras. Nous lui avons demande ce que c'etait, mais Geoffroy, qui aime bien faire le mysterieux - ce qu'il m'enerve celui-la ! -, nous a dit qu'il nous montrerait a la recre, pas avant.
Et a la recre, Geoffroy a ouvert son paquet, et dedans, c'etait plein de boules de petanque. Des boules en bois, bleues, jaunes, rouges et vertes, et bien sur, un cochonnet. Tres chouette !
- Voila, a dit Geoffroy. On va jouer par equipes de deux. Moi je prends Eudes, et les boules rouges.
- Et pourquoi, je vous prie ? a demande Rufus.
- Parce que les boules de petanque sont a moi. C'est pour ca que je prends Eudes, a repondu Geoffroy.
Eudes, ca m'interesse pas, a dit Rufus. Ce que je veux savoir, c'est pourquoi tu prends les boules rouges, je vous prie ?
Il avait raison Rufus. Eudes est interessant a prendre quand on joue au foot, par exemple, parce que, comme il est tres fort, quand il a le ballon, personne n'ose le lui prendre. Mais, pour la petanque, ou pour les billes, ce n'est pas la meme chose ; la, il vaut mieux quelqu'un qui joue bien comme moi. Mais Eudes, ca ne lui a pas plu ce qu'avait dit Rufus.
- Et un coup de poing sur le nez, il a demande, Eudes, ca t'interesse ?
- Elle est bonne, celle-la ! a dit Joachim en rigolant.
Il a cesse de rigoler quand Rufus lui a donne une baffe, mais ils n'ont pas pu se battre vraiment parce que M. Mouchabiere est arrive en courant. M. Mouchabiere, je vous en ai deja parle une ou deux fois, je crois, c'est un surveillant qui aide le Bouillon qui, lui, est notre vrai surveillant.
- Qu'est-ce qu'il y a encore ? a demande M. Mouchabiere. Vous savez, avec vous je n'irai pas par quatre chemins : a la moindre incartade, tous au piquet !
- Ben, on n'a rien fait, nous, M'sieur, a crie Geoffroy. On allait jouer a la petanque, c'est tout.
M. Mouchabiere a regarde les boules de petanque, il a regarde Geoffroy, et puis il a regarde les boules de petanque de nouveau.
- Et qui vous a donne l'autorisation d'apporter un jeu de petanque a l'ecole, je vous prie ? a demande M. Mouchabiere.
- Ben quoi, ben quoi, a dit Geoffroy. On ne fait pas de mal avec la
petanque, ben quoi, M'sieur !
M. Mouchabiere nous a dit qu'avec nous il avait toujours des ennuis, et qu'il etait sûr qu'avec la petanque il aurait des ennuis, et qu'il ne voulait plus avoir d'ennuis a cause de nous. Et nous, on a crie : « Allez, quoi, M'sieur ! Allez quoi ! » Mais M. Mouchabiere faisait non avec le doigt et la tete, et le Bouillon est arrive.
- Des ennuis, Mouchabiere ? il a demande le Bouillon.
- Pas encore, mais nous en aurons certainement avec cette bande de garnements, a dit M. Mouchabiere. Voila qu'ils veulent jouer a la petanque, a present !
- Ah ! Ils veulent jouer a la petanque ? a dit le Bouillon. Eh bien, laissez-les faire, Mouchabiere. Vous savez où me trouver et moi je vous garantis, petanque ou pas, que cette mauvaise graine ne nous causera pas d'ennuis !
M. Mouchabiere a regarde partir le Bouillon, et puis il nous a dit :
- Bon, je vous laisse jouer. Mais vous avez entendu ce qu'a dit M. le Bouil... M. Dubon ! a bon entendeur, salut !
M. Mouchabiere est parti s'occuper d'un grand qui battait un moyen, et nous, on a continue a jouer a la petanque.
- Et pourquoi tu m'as donne une baffe ? a demande Joachim a Rufus.
- Parce que c'est pas juste que Geoffroy prenne les boules rouges, a repondu
Rufus. On n'a qu'a tirer au sort.
Joachim, et nous tous, on etait d'accord avec Rufus ; c'est vrai, quoi, a la fin, qu'est-ce qu'il se croit Geoffroy, non mais, sans blague !
- On va pas tirer au sort, a dit Geoffroy. Les boules rouges, c'est pour moi, et si ca vous plaît pas, vous jouez pas et voila tout. Je jouerai seul avec Eudes, chacun avec une boule rouge.
- Eh bien, c'est ca ! a crie Rufus, vous n'avez qu'a jouer seuls, comme deux imbeciles !
- Moi, je veux bien prendre les bleues, a dit Maixent.
Alors, Alceste et moi on a pris les jaunes, Rufus et Clotaire, les vertes, et Joachim les bleues avec Maixent. Les equipes, on les a choisies sans faire d'histoires, parce que nous savons que la recre est courte et que c'est bete de passer son temps a se disputer au lieu de jouer a la petanque. Et puis, pour faire plus vite, c'est Eudes qui les a formees, les equipes, alors tout s'est tres bien arrange.
- Bon, le cochonnet, c'est moi qui le lance ! a dit Geoffroy.
- Non, a dit Eudes, c'est moi.
- Mais puisqu'on est de la meme equipe ! a dit Geoffroy.
- Si tu veux rester dans mon equipe, a crie Eudes, tu me laisses le cochonnet !
Et il a jete le cochonnet drôlement loin, comme s'il jouait a la balle au chasseur, et puis il a envoye sa boule, mais pas assez fort.
- Le cochonnet est trop loin, a dit Eudes.
Il a voulu aller chercher sa boule, mais Clotaire lui a dit que s'il faisait ca, plus personne ne lui parlerait. Eudes a dit que bon, d'accord, ca va, mais qu'on etait tous de mauvais joueurs et des minables. Moi je me suis tres bien place, Rufus a joue comme une andouille, mais Maixent, il a mis sa boule presque contre le cochonnet. Terrible !
- Bon, a dit Geoffroy, je vais tirer.
- Non, a dit Eudes, pointe.
- Et où est-ce que je vais pointer avec la boule de cet imbecile qui est contre le cochonnet ? a crie Geoffroy.
- Si tu tires, tu vas rater, a dit Eudes, et on n'a plus de boule. Et si on perd a cause de toi, moi je te donne un coup de poing sur le nez.
- Qui est un imbecile ? a demande Maixent.
Et il a commence a se battre avec Geoffroy, et ils se donnaient des tas de gifles et de coups de pied, et puis M. Mouchabiere est arrive en courant, pas content du tout.
- Arretez ! Arretez tout de suite ! il a crie M. Mouchabiere, avec la voix de maman quand je la fais enrager.
- Qu'est-ce qui se passe ? Quel est ce vacarme ? a demande le Bouillon, qui etait arrive a son tour.
- Je vous avais bien dit que nous aurions des ennuis avec ces sauvages et leur petanque ! a crie M. Mouchabiere.
- Nous n'aurons pas d'ennuis, a dit le Bouillon, mais je voudrais qu'on m'explique ce qu'il se passe pour que je puisse sevir.
- C'est a cause de Geoffroy, a crie Eudes. Je lui dis de pointer et il veut tirer !
- Pointer ? a dit le Bouillon, tout etonne. Mais non, voyons ! Il faut tirer !
- Ah ! Tu as vu ? Tu as vu ? a crie Geoffroy a Eudes.
- Silence, vous deux ! a crie M. Mouchabiere. Ce n'est pas pour vous contredire, M. Dubon, mais a mon avis, il serait plus prudent de pointer. C'est trop loin, pour tirer, et avec ces boules en bois... Tenez, moi, pendant les vacances...
- Allons, allons, Mouchabiere, a dit le Bouillon, soyons serieux, quoi ? Vous voyez bien que c'est la seule facon de s'en sortir ! Si on ne tire pas, le point est perdu, c'est evident !
- Elle est impossible a tirer cette boule, a dit M. Mouchabiere.
- Je vais vous montrer si elle est impossible, a dit le Bouillon en prenant la boule des mains de Geoffroy.
Et Alceste est parti en mordant dans un gros sandwich au fromage.
Mais il n'a rien pu nous montrer du tout, parce que le directeur, qu'on n'avait pas vu arriver, a dit :
- M. Dubon, si vous voulez bien avoir l'obligeance d'aller sonner la fin de la recreation, comme il aurait fallu le faire il y a de cela sept minutes. Je vous attendrai, vous et M. Mouchabiere, dans mon bureau, pour continuer la partie.
Et c'est sûrement le directeur qui a gagne, parce qu'a la recre suivante, le Bouillon et M. Mouchabiere faisaient des tetes bien ennuyees.