Facebookを始めた2009年の翌年2010年の夏のことだったか、フランスで教えている学生あるいは卒業生たちから私の誕生日に祝福のメッセージが多数届き、そんなことは全然予期しておらず、1人1人に御礼の言葉を送るのはちょっと大変そうで、でもせっかく送ってくれたのだから一言くらいはお礼の気持ちを伝えたいと思い、Facebook上で全員宛にお礼のメッセージを送った。以来、毎年誕生日には同じようにメッセージを送ってくれる学生たちがいるので、こちらからも同じように1つのお礼の返事をFacebook上で返している。ただ通り一遍の御礼の言葉ではつまらないと思い、それなりに推敲して、面白おかしくかつ誠意もある文章を書くように努めている。去年と今年の文章は特に念を入れて書いたものなので、自分でも愛着があり、ここに記念として残しておきたい。
まず去年2012年のもの。
Mes chers amis,
Profondément ému par vos messages chaleureux qui fêtent mon énième anniversaire que j’ai arrêté de compter depuis dix ans, je vous en remercie de tout mon cœur dont le tréfonds est réputé insondable.
Grâce à l’alerte automatique prévenant de l’anniversaire des « amis » y compris ceux à qui l’on est purement et simplement indifférent, je reçois chaque année lors de mon anniversaire un nombre non négligeable de mots d’amitié de la part de mes amis par voie électronique.
Pour ma part, il est maintenant devenu un peu comme rituel solennel d’adresser à tous ceux qui ont la charité de ne pas dédaigner de se donner la peine de taper quelque signes pour un pauvre fonctionnaire étranger que je suis un discours de remerciement résolument tordu à cette occasion qui se présente annuellement et tout à fait indépendamment de ma volonté.
Selon la théorie des probabilités la plus rigoureuse, il n’est pas totalement exclu que je devienne d’ici mille ans président de la République dont on me disait autrefois que sa devise était « Liberté, Égalité, Fraternité », mais dont je ne sais toujours pas où elle était (certainement, il nous faudrait la chercher ailleurs qu’en France ou la reconstruire si elle avait déjà vraiment existé quelque part). Une fois que sera réalisé ce beau rêve chimérique dont la probabilité nanotechnologiquement infime, et si notre planète existe encore ce jour-là (ce n’est plus évident, comme on le sait depuis Fukushima au moins), je vous promettrais de vous offrir généreusement, et gracieusement, comme un signe de remerciement pour votre fidélité une pension de retraite largement suffisante pour que vous puissiez ne rien faire que de jouir du soleil tous les jours qui vous resteront encore sur un banc propre dans un jardin bien fleuri, ou au bord de la mer paisible si vous voulez, et cela à partir de votre cinquantième anniversaire.
Soyons optimistes volontaires sans fondement aucun dans un monde qui ne fait que nous désespérer.
Je vous suis très reconnaissant d’avoir bien voulu consacrer votre précieux temps à la lecture de ce message d’insincérité déguisée.
Votre utopiste dévoué
そして今年のもの。
À mes chers amis que vous êtes et dont je suis toujours admiratif pour le courage aveugle et le désespoir rationnel face à la crise dont la France souffre il y a déjà quelques années et qui s’y généralise désormais partout au-delà du domaine de l’économie proprement dit, je vous présente très sincèrement toute ma gratitude pour votre mot fêtant mon anniversaire (s’il en est toujours digne) depuis le bord du gouffre qui est prêt à vous engloutir tous, et où, moi, je tiens à demeurer dans une baraque minable afin d’observer attentivement avec un regard désintéressé le monde moderne européen qui me semble en train de s’effondre malgré mon espérance d’un avenir meilleur pour vous tous, espérance fondée sur un optimisme existentiel sans fondement aucun (quelles contradiction que je vis !).
Grâce à la gentillesse avec laquelle vous avez pensé à m’adresser un mot pour cette occasion qui se présente annuellement en été, j’ai bien constaté avec une folle jubilation et une tristesse profonde bien mélangées que je n’étais pas encore devenu un fossile appartenant au passé paisible, mais que je restais un vieil être humain sensible qui continue à prendre de l’âge involontairement dans ce monde agité qui me semble se précipiter dans le vide sans fond.
À titre de signe de remerciement et d’encouragement pour vous tous, je vous offre un mot qui m’est très cher d’un philosophe français véritable, Vladimir Jankélévitch (1903-1985), celui tiré de son livre, L’irréversible et la nostalgie (Flammarion, 1re éd. 1974, actuellement disponible dans la collection « Champs essais », p. 339) :
Celui qui a été ne peut plus désormais ne pas avoir été : désormais ce fait mystérieux et profondément obscur d’avoir vécu est son viatique pour l’éternité.
Ce beau passage est d’ailleurs gravé sur la plaque de marbre qui se trouve à côté de la porte de l’immeuble dans lequel le philosophe a vécu depuis les années 1930 jusqu’à sa mort sauf pendant la Seconde Guerre mondiale où il s’est engagé dans les activités clandestines de la Résistance sous l’occupation allemande. Depuis que je vis dans la Capitale de la France dont la belle devise est « Fluctuat nec mergitur (Il tangue mais ne coule pas) » (Vous y croyez ?), chaque fois que je passe devant cet immeuble standing qui se situe 1 Quai aux Fleurs de l’Île de la Cité, tout près de la Cathédrale Notre Dame de Paris, je ne peux m’empêcher de m’y arrêter quelques instants pour contempler le présent éternel dans lequel nous vivons et que nous vivons tous sans aucune exception.
Disce gaudere (Apprends à te réjouir) !
Amitiés