ぺるちえ覚書

兎追いしかの山… 懐かしい古里の思い出や家族のこと、日々の感想を、和文と仏文で綴ります。

Lettre au Japon - janvier 2024

2024-01-12 19:26:00 | écrit français
    Apprenant la triste nouvelle dès le premier jour de cette année 2024, c’est à toi que je m’adresse, Japon, mon pays natal, ma source originelle en dépit de tout. 

    Il y a plus d'une dizaine d’années déjà, la mer et la terre du Tôhoku ont tremblé, provoquant les tsunamis qui ont tout avalé, et ont entraîné la catastrophe du centre nucléaire de Fukushima. Quatre cent soixante-dix mille personnes ont été évacuées et plus de vingt mille vies ont été perdues. C’était le 11 mars 2011. 

    Cependant, nous savions que ce n’était pas fini. Que ce n’était même pas le tremblement de terre “Big One” que l’on attendait depuis des années et des années. Et voilà que cette fois, c'est sur la péninsule de Noto.   

    Manifestement, nous sommes marqués par toi. C’est comme si tu avais besoin de nous faire savoir que nous ne contrôlons rien, et que c’est toi qui nous autorises à vivre ici sur tes îles. Tu as raison, c’est sûrement nous qui avons besoin de leçons, car nous oublions facilement notre gratitude envers toi, nous oublions aussi que les choses matérielles ne sont qu’éphémères. 

    Ainsi, c’est grâce à toi que nous apprenons la compassion et la valeur non matérielle. Car nous comprenons que la détresse des autres aujourd’hui sera demain la nôtre. Dépouillés de tout, manquant d’eau ou de nourriture, nous sommes obligés de nous entraider, de vivre ensemble. Tu nous imposes un destin commun. Tu nous apprends que dans ce monde tout peut changer en un instant, mais que nous ne manquons de rien si nous restons unis avec tout.  “N’aie pas peur”, dirais-tu. Et quoi qu’il arrive, tu veux que nous nous relevions ensemble, main dans la main. “Sache la chance que tu as d’être parmi nous !”, tu n’as pas tort. Voler les autres, sur tes terres, on ne l’imaginerait pas, même dans les situations les plus chaotiques! C’est impensable, immoral. Ce n’est pas nous.
 
    Parait-il que pendant les quinze mille années de l’ère Jômon, tu n’avais jamais vu la guerre entre les hommes. Sans guerre, les gens de Jômon vivaient heureux et créatifs, aimants et aimés, en harmonie avec la Nature. Souvenons-nous en.

    Sans toi, mon Japon, je ne serais pas moi, nous ne serions pas nous. Je t’en suis reconnaissante et je suis ravie d’être née grâce à toi, Cœur de Yamato (大和), Grande harmonie.

Lâcher prise

2024-01-09 22:20:00 | écrit français
Quand le chemin est caillouteux
Montant raide comme les Alpes 
Le promeneur opiniâtre trébuche hors d’haleine
Quand la nuit tombe 
Et la pluie forte frappe 
Il s’arrêtera et se reposera
En attendant le matin

Quand le soleil se lève de l’horizon 
Et la pluie s’arrête en douceur
Des ruisseaux chouchoutent aux oreilles du promeneur 
L’invitant à apaiser sa soif ardente 

Verdure de la forêt chante au Ciel 
Et le vent parfumé de mille fleurs 
Souffle sur la prairie vaste
Et disperse tout souci 

Reposons





Le temps du matcha

2024-01-05 00:04:00 | écrit français

Temps libre,

Seule dans ma cuisine,

Un bol de matcha sur la table,

Au petit jardin dehors, 

Les mésanges et les merles chantent toujours,

Un moment délicieux,

Un réconfort.



 J’achète du matcha quand je rentre au Japon. C’est obligatoire. Parce que j’adore ses odeurs intenses et fraîches avec des nuances subtiles comme les notes pour la musique. Oui, il faut que ce soit très frais pour obtenir ces notes dans la poudre de thé vert moulu. 


 Dans les commerces asiatiques parisiens, on ne trouve que des produits fades, amers et insipides. Quelquefois chez des commerçants de luxe, on en trouve de bonne qualité. Mais, c’est alors à hors de prix. Ça me dégoûte. 


 Quand je trouve un moment libre seule à la maison, le matin ou l’après-midi, je sors mon bol de thé Raku, en terre chaude d’une couleur rose saumon dégradée. C’était un bol de ma mère. Elle me l’a donné pour que je puisse boire du matcha même à Paris, loin d’elle. Je sors aussi du placard, le fouet Cha-sén et la cuillère Cha-saji en bambou. La poudre de matcha est conservée dans une petite boîte cylindrique en métal, gardée dans le réfrigérateur. Je mets la bouilloire en marche. Ensuite, j’ouvre le couvercle de la petite boîte. Je sens déjà le parfum corsé et rond qui s'échappe dans l’air. 


 Du bout des doigts, je pince délicatement le manche de la Cha-saji en forme de longue tige, pour prendre une ou deux bonnes cuillères de poudre verte dans le bol. Entretemps, la bouilloire s’arrête. J’y ajoute une tasse d’eau tiède pour tempérer l’eau. Sinon, la température excessive enlèverait toutes les notes délicates. Je verse lentement de l’eau chaude tempérée dans le bol. 


‘‘Po-po-po-po-po-po’’ 


 Je commence à fouetter le matcha avec le Cha-sén. C’est un instant magique. L’odeur entremêlée du thé vert corsé et du bambou mouillé surgit et fleurit sous forme de vapeur dans le bol, l’Extase. En en aspirant par le nez à pleins poumons, je continue à fouetter le liquide vert onctueux jusqu'à ce qu’il soit bien recouvert de mousse. 


 Ainsi, vient le moment de dégustation. Je pose le bol de matcha sur la table, la face du bol vers moi. Je le prends avec les deux mains et avant de boire, je le tourne deux fois vers la droite. Pour vraiment apprécier le matcha, il faut un accompagnement sucré, idéalement un Jô-namagashi, la pâtisserie traditionnelle japonaise confectionnée avec des produits frais de saison. À la floraison des cerisiers, je fais quelquefois des Sakura-mochis, gâteaux de mochi à la feuille de cerisier marinée au sel, aussi faite maison. Là, c’est le bonheur absolu. Mon esprit s’évade. Ces odeurs harmonieuses de matcha et de feuille de cerisier me rappellent toujours ma grand-mère. 


 Mes grand-parents habitaient sur la côte de Shônan. J’adorais leur maison traditionnelle, spacieuse avec un beau jardin. Ma grand-mère ne se réveillait pas très tôt. Elle disait que c’était à cause de son hypotension. Pour elle, le matin commençait toujours tardivement, vers dix heures et demie ou onze heures. Le week-end, j’en profitais pour faire avec elle la grasse matinée. En sortant de nos futons, nous asseyions côte à côte dans l’ëngawa* de sa chambre (une sorte de véranda en bois devant les fenêtres*). En contemplant le jardin ensoleillé, elle préparait avec soin, deux bols de thé vert délicieux, sans oublier quelques Jo-namagashis pour l’accompagner. Buvant une gorgée du liquide chaud bien parfumé, je mangeais avec elle du mochi tout mou et tout doux au parfum de feuille de cerisier par petite bouchée. C’était le rituel incontournable de ma grand-mère, qui portait la couleur de chaque saison. Le Sakura-mochi est bien entendu le délice du printemps depuis toujours. 


 Alors, pour achever la dégustation, je tourne le bol deux fois vers la gauche, pour le remettre face à moi. Ce sont des petits gestes familiers qui restent en moi comme souvenir de ma vie d’avant.  



Mentholatum [me/N/sore-e-tam⍹]

2023-12-17 21:06:40 | écrit français
  メンソレータム

 Mentholatum[me/N/sore-e-tam⍹]: la pommade de menthol magique qu’on trouvait toujours dans les tiroirs de salle de bain. Elle avait une odeur verte, claire, aigüe, ayant une vertu pour guérir tous les bobos et soulager de toutes les peines occasionnées (petites coupures, maux de tête ou douleur musculaire...). Camphor (9.60%), Menthol Natural (1,35%) et Huile d’Eucalyptus (1,50%) étaient ses principes actifs indiqués au dos de sa petite boîte ronde et plate de 4 cm de diamètre. C’était une boîte lisse en métal et au milieu du couvercle, un dessin d’une petite infirmière imprimé en bleu, encerclé d’un ruban vert sur lequel son nom était inscrit trois fois en lettres blanches. 
MENTHOLATUM・MENTHOLATUMMENTHOLATUM


 En sortant de mon bain, je m’essuie rapidement et sèche mes cheveux avec une grande serviette éponge. L’odeur agréable du cèdre du Japon me suit toujours. Mes grands-parents ont fait construire une salle de bain avec une baignoire en bois comme autrefois. C’est tellement plus agréable qu’une baignoire en plastique! Seulement, son entretien est si complexe qu’il demande beaucoup de soins. C’est pour cette raison qu’à la maison, mes parents n’y pensent même pas. 

 J’aime être avec ma grand-mère. Sentir dans son dressing l’odeur de son parfum et de la poudre avec laquelle elle se tamponne, faire la grasse matinée au soleil avec elle au Ën-gawa (une sorte de véranda avec du parquet en bois à l’extrémité de la chambre tatamisée), en y buvant un bol du thé vert onctueux qui me réveille, et contempler le jardin de chaque saison. Puis, déjeuner tard et après, prendre le bain en fin d'après-midi. Sa maison est située près de la mer. La brise marine transporte jusqu’à nos oreilles les cris d’otaries de l’aquarium Marine-Parc sur la côte. Quelquefois, je me promène seule jusqu'à Enoshima. 

 Les rayons du soleil couchant traversent la fenêtre, colorant tout en orange dans la salle de bain. Je me regarde dans le miroir au-dessus du lavabo. Mes lèvres sont abîmées et déjà sèches. Je cherche sur les étagères qui sont à droite du miroir, mais je ne la trouve pas. Alors, j’ouvre l’armoire à gauche qui est remplie de serviettes de toutes tailles. Où est-elle? J’ouvre enfin les tiroirs au-dessous du lavabo un par un. Voilà, la boîte de Mentholatum! Je tourne le couvercle grinçant d’un léger bruit. La surface de la pommade est lisse et brillante. Je la flotte avec le bout de mon annulaire, ensuite l’étale sur mes lèvres gercées du bout du doigt. Le parfum de menthe poivrée remplit mon nez. Je me sens bien, soulagée. 

 De la fenêtre, la vue du ciel est déjà bleu foncé. Ma grand-mère doit m’attendre au salon pour regarder les nouvelles de 18 heures avant le dîner. Le temps heureux passe doucement jusqu’au sommeil bien apaisé par le parfum de menthol…


 La pommade Mentholatum a vu le jour en 1889 à Kansas aux Etats Unis. Ses autres composants additifs (87,55%) étaient d'Huile de Térébenthine*, de Pétrolatum*, de Salicylate de Méthyle* et de Titanium Dioxide*.

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*Huile de Térébenthine: produite à partir de la résine de bois (du pin maritime en France), connue pour ses propriétés antiseptiques, anti-rhumatismales et oxygénantes.

*Pétrolatum: connu sous le nom de vaseline, un distillat du pétrole, aussi appelé gelée de pétrole, utilisé depuis 150 ans pour ses propriétés hydratantes, adoucissantes, lubrifiantes et émollientes. 

*Salicylate de Méthyle: de nombreuses plantes produisent cette substance en petite quantité détectable. Son odeur est très prononcée et appréciée. Aujourd’hui Salicylate de Méthyle est synthétisé artificiellement et utilisé comme aromatisant pour les parfums et l’alimentation. Il est également utilisé dans les baumes et lotions sportives pour ses propriétés analgésiques et antipyrétiques.  Il peut être toxique aussi bien aux usages internes qu’externes et peut être mortel en absorbant. Une dose de 5 ml (une cuillère à café) est potentiellement fatal à un enfant.    

*Titanium Dioxide: autrement appelé additif TiO2 ou E171 utilisé dans de nombreuses applications comme additif alimentaire, cosmétique, pigment, pour ses propriétés d’absorption des rayons ultraviolets et son caractère colorant blanc. Il est interdit en France dans les denrées alimentaires depuis le 1er janvier 2020 et le 18 février de la même année, devient officiellement un cancérogène de catégorie 2 par inhalation. Des effets génotoxiques en nanoparticules ne peuvent être exclus. 

Place du Marché Sainte Catherine

2023-09-14 21:13:00 | écrit français
Place du Marché Sainte Catherine (v.3)

 À grands pas rythmés comme d’habitude, je remontais la rue de Rivoli vers Bastille. Eric, un vieil ami photographe, m’avait proposé de prendre un verre Place du Marché Sainte Catherine. Nous nous connaissions depuis longtemps, depuis l'époque où nous faisions le tour de tous les festivals en caravane de jeunes photographes. Notre dernière rencontre remontait au printemps tardif. Le vent frais sur le boulevard effleurait agréablement mes joues. L'automne était déjà là.


En arrivant rue Saint Antoine, la première à gauche est la rue Caron. C’est là au fond, une petite place pavée de 900 mètres carrés, ornée d'arbres et de quelques bancs publics, mais surtout de cafés et de restaurants. Faisant vibrer les rayons du soleil couchant, les feuilles déjà rouges et jaunes se reflétaient joliment sur les terrasses. Dans ce crépuscule d’automne précoce, les éclats de rires des gens par-ci par-là, discutant de dernières vacances ou tout à la joie de leurs retrouvailles, trinquant et prenant l’apéritif, les touristes venus du monde entier aussi profitaient de la vie parisienne, tandis que les amoureux se regardaient dans les yeux, souriant ou pleurant … faisant de cette place le petit cœur battant du Marais. 


Eric était déjà là, sur la terrasse d’un bar à vin. Il avait dû arriver peu de temps avant, car sur la table une bouteille de beaujolais était posée, curieusement avec trois verres, vides et propres. Il me fit signe en levant la main, m’invitant à m'asseoir en face de lui.


  • Coucou, ma belle! Comment ça va? Assieds-toi.


  • Hello Eric, et toi? Comment ça va? On n’est pas seuls?


  • Oui, ça va. J’ai appelé un ami. Il sort de son bureau et va arriver. C’est un type très sympa, tu verras!  


Il m'embrassa et me répondit avec un sourire malin en me servant un verre. Une idée quant à la troisième personne me vint à l’esprit. Depuis quelque temps, il voulait me présenter un ami de sa copine. C’était son meilleur ami, me disait-il. Et moi, je venais de sortir d’une histoire qui avait duré sept ans, le cœur encore serré, il le savait. En guise de réponse, je souris en sirotant mon verre. 


Alors, un type brun, très grand et mince, vêtu d’un manteau noir, s’approcha de nous et s’assit à coté d’Eric sans hésiter. C’était lui. Portant des lunettes rectangulaires sur son nez d’oiseau et en costume sous son manteau, il avait le look corbeau noir d’un banquier. Cependant, derrière ses lunettes, le regard gai, vif et pétillant de ses jolis yeux gris-verts trahissait bien son apparence sérieuse. Eric me le présenta.


  • Nico travaille dans une startup qui vend des ring-tones.


  • Des ring-tones? 


  • Des sonneries pour le téléphone portable.


Télécharger une vraie musique sur ton portable, me disait Nico. Il n'était pas banquier, mais vendeur de sonneries! Et puis, Eric commença à raconter ses problèmes de l’appartement. Il l’avait acheté avec l'héritage de son père dans le but d’y habiter un jour. Mais, cela ne se faisait jamais. Il avait toujours de bonnes raisons pour retarder son aménagement, comme s’il préférait rester nomade. En l'écoutant, Nico éclata de rire car son histoire était complètement engourdie et ce n’était qu’une succession d’actes manqués. 


  • Alors, c’est quand ta crémaillère? Depuis le temps que tu nous en parles! 


Je jetai un œil sur ma montre. Il était déjà 19h30. Ce soir-là, je voulais aller voir le nouveau film de Naomi Kawase “Shara”, un film d’auteur japonais. La séance était à 20 heures au MK2 Quai de Seine. Je le proposai à Eric car photographe, il aimait découvrir de belles images fixes ou animées, et de nouveaux regards personnels. 


  • Ah, dommage! Je ne peux pas ce soir. J’ai un truc prévu.


  • Moi, je veux bien. C’est à quelle heure? J’aimerais bien passer chez moi pour me changer. Je suis en scooter et habite dans le dixième, ce n’est pas loin. On y va?


À mon grand étonnement, Nico voulait m'accompagner. J'hésitai une seconde, aimerait-il ce genre de film? Je ne le connaissais pas du tout. Et puis, passer chez lui pour qu’il se change, même si je le comprenais, me gênait un peu. Imprévu, mais enfin, pourquoi pas? En tout cas, il fallait nous dépêcher. Laissant Eric au bar, nous partîmes ensemble pour retrouver son scooter. Il était garé de l'autre côté de la place. 


Nico sortit deux casques du coffre de son scooter et m’en tendit un. 


  • C’est à mon fils. Monte, accroche-toi bien à moi!


 Il démarra et fonça sur le boulevard en coupant le vent frais d'automne. La vitesse du moteur me faisait un peu peur. Contre son dos, je m’agrippai à sa taille. L’air vibrait. 


Ainsi, ce fut le début d’une nouvelle histoire, comme des milliers d’autres qui commencèrent sur la terrasse de Place du Marché Sainte Catherine, le petit cœur battant du Marais.